samedi 11 août 2012

Justine Lévy - Rien de grave

Justine Lévy est la fille de l'illustre BHL, l'ex-femme du sexy philosophe Raphaël Enthoven, qui la quitta pour Carla Bruni, notre ex-première dame qui était elle-même alors la maîtresse de Jean-Paul Enthoven (le père de Raphaël, si vous suivez toujours). Cet imbroglio digne des Feux de l'amour permit à Justine Lévy de trouver cette formule cinglante et tout à fait adaptée qualifiant Raphaël d’"Hippolyte du pauvre". Au-delà de la dimension sordide et un peu trop people de ce largage, Justine Lévy signe un roman autobiographique percutant à l'écriture fluide et délicate. 

 
Interviewée par Thierry Ardisson, visiblement mal à l'aise face à ses questions indiscrètes, Justine Lévy rappelle que son livre est d'abord un roman, et que certains éléments en sont fantasmés. Il n'empêche que le matériau premier en est avant tout sa propre existence. Pour ma part, j'ai été totalement séduite par son écriture. Elle a le sens de la formule et ne manque pas d'humour. Comme elle le précise dans l'interview, elle a commencé à écrire une fois qu'elle a commencé à aller mieux, et cela se ressent (je pense d'ailleurs que c'est la condition sine qua non pour être capable de retranscrire une telle expérience sous forme de roman). Ce qui est vraiment intéressant, c'est qu'elle n'adopte pas un ton aigri ; au contraire, elle fait preuve de subtilité dans sa façon de présenter les choses. Et si elle n'est pas toujours tendre avec Paula-Terminator (alias Carla Bruni) ou Adrien (son ex-mari, Raphaël), elle ne se présente pas non plus sous un jour particulièrement avantageux. Jeune fille souffrant d'un manque pathologique de confiance en soi, Louise (l'héroïne) trouve dans l'amour-fusion un mode d'épanouissement qui est pour elle l'incarnation du bonheur. "On n'avait pas vingt ans, on s'aimait mais on ne savait pas ce que cela voulait dire, on ne savait pas que ça voulait dire qu'on allait souffrir, qu'on allait pleurer et se battre et se faire du mal et avoir envie de mourir, on avait vu les autres mais on n'était pas les autres, on était un miracle, on allait gagner là où Ariane et Solal avaient échoué, on vivait dans l'instant, on ne se posait pas de questions, on ne savait pas qu'un jour l'amour deviendrait un souvenir qui tord le coeur. "... voilà comment elle présente le couple Adrien-Louise au début de son livre. Mais ce tableau sans nuages présente lui aussi des fêlures : un avortement à vingt ans qui la plonge dans un abîme de doute la fera sombrer dans les amphétamines. Sans concession, elle dresse d'elle un portrait au vitriol, allant jusqu'à pointer du doigt que son mal vient peut-être justement de l'homme qu'elle aime. Mais le livre n'aborde pas seulement le chagrin d'amour ; il propose une introspection qui revient sur l'enfance, le rapport aux parents et à la grand-mère. Une vie toute chamboulée par le départ de sa mère à quatre ans, le sentiment de ne pas être assez armée pour cette existence, mais tout cela est écrit avec beaucoup de talent, sans chercher à donner une explication à tout. Les événements, tels qu'ils ont eu lieu ou romancés, invitent le lecteur à la réflexion. Malgré le drame, sans cesse frôlé, il faut pourtant continuer à vivre. Même si on revient de loin, le mot d'ordre est : "Rien de grave". Nécessité de relativiser les choses pour déjouer la peur du vide, et finir par combler ce dernier avec des mots qui pansent les blessures. J'ai beaucoup aimé la justesse du ton, la lumière de ce récit que les zones d'ombres mettent justement en valeur, par moments c'est une véritable révélation. Certaines phrases de ce roman m'habiteront longtemps.

Oui, peut-être que c'est mieux comme ça, dans le fond. Peut-être qu'il fallait qu'on se quitte pour devenir adultes. Peut-être que c'était le seul moyen de grandir avant de vieillir, de ne pas devenir, un jour, des vieux bébés gâtés. Peut-être qu'il le fallait pour savoir un jour ce qu'aimer veut vraiment dire. Aimer ça ne veut pas dire se ressembler. Aimer ça ne veut pas dire être pareils, se conduire comme deux jumeaux, croire qu'on est inséparables. Aimer c'est ne pas avoir peur de se quitter ou de cesser de s'aimer. Aimer c'est accepter de tomber, tout seul, et de se relever, tout seul, je ne savais pas ce que c'est qu'aimer, j'ai l'impression de le savoir aujourd'hui un peu plus.

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