lundi 30 juillet 2012

Claudie Gallay - Seule Venise

Il est des livres dont notre histoire personnelle rend vitale la nécessité de les relire. Seule Venise de Claudie Gallay en fait partie. Déjà parce que je reviens fraîchement de Venise et qu'il est toujours agréable de pouvoir visualiser les lieux évoqués dans un roman, ensuite parce que j'avais envie de me confronter de nouveau à la douleur âpre de ses pages. L'histoire se passe en hiver ; la narratrice émerge d'une rupture amoureuse qui la laisse comme une coquille vide. Sans trop réfléchir, elle se rend à Venise. La ville est presque déserte et elle se perd dans le dédale de ses rues. Elle attend qu'émerge la possibilité de recommencer à vivre, de rencontrer un autre amour. Logée dans la pension de Luigi, elle fera connaissance avec les autres pensionnaires : un vieux Prince russe, une jeune danseuse Carla et son compagnon Valentino. Puis au fil de ses promenades, elle fera la rencontre d'un libraire : Dino Manzoni qui lui fera redécouvrir des sentiments qu'elle croyait à jamais abîmés, perdus.


Ce livre m'a davantage happée qu'à la première lecture puisque je me suis identifiée plus facilement à la narratrice. Ce personnage est intéressant parce qu'il n'est pas particulièrement attachant : elle est tout entière contenue dans sa douleur, elle se caractérise par une série de réactions instinctives qui l'apparentent plus à un animal dont s'exprimerait l'instinct de survie qu'à un être humain. On a l'impression qu'elle ne peut plus vivre que sur ce mode brut et saccadé. Dès lors, sa rencontre avec d'autres écorchés de la vie va lui ouvrir la voie vers un ailleurs, mais un ailleurs gris et peuplé d'incertitudes. La route est longue et ce réapprentissage partiel laissera aussi des séquelles, parce que la vie n'est pas un conte de fées et qu'il ne suffit pas de claquer des doigts pour que tout redevienne rose et sans nuages. Seule Venise est un livre sombre mais qui laisse entrevoir l'éventualité d'une accalmie au bout du chemin. Infime mais possible. La lueur tremblotante d'un espoir délicat et fragile qui fait trouver aux êtres le courage d'avancer.

Je m'assois près de vous.
Il est des êtres dont c'est le destin de se croiser. Où qu'ils soient. Où qu'ils aillent. Un jour ils se rencontrent.
On est de ceux-là.
-Qu'est-ce que vous voulez boire ?

-La même chose que vous.
Je crois qu'on est ensemble, déjà. Qu'on a sa place dans la vie l'un de l'autre. Même s'il ne se passe rien. Même si l'on ne se touche pas.
Même si vos mains.

-Hemingway venait là lui aussi. Et puis Barrès, Proust, Morand...
On revient à cela, toujours, immanquablement.
-Vous les aimez tant que ça tous ces gens ?

-Je les aime, oui. 
-Tellement ?
-Tellement. 
-Et vous venez là parce qu'ils y sont venus ? Les livres ne suffisent pas ?
-C'est la vie qui ne suffit pas.
-Mais les livres, ce n'est pas la vie ?
Vous souriez. 
-Peut-être que vous avez raison.

2 commentaires:

  1. Noémie Calpin1 août 2012 à 10:43

    Seule Venise est un livre de voyage et de retour sur soi -que j'ai découvert grâce à toi- lu non pas à Venise mais sur une île. Excepté la chanson d'Aznavour qui reste en tête à cause du titre, très beau livre.

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